vendredi 15 avril 2011

Nostalgie de la Barbarie

Je me laisse volontiers séduire. Par une exposition, par exemple, d’où je ressors fatigué mais les yeux rassasiés. Cette fois, c’est une affiche qui a attiré mon attention dans la rue :
        Une femme en uniforme de soldat se fait cuisiner par un dentiste. Sur sa tête de mort, celui-ci porte une toque de cuisinier et jubile car ça va bientôt céder : il aura réussi à casser quelques dents à sa patiente. Vêtu de la tenue rayée bleue et blanche des prisonniers, le bras gauche dans une manche bouffante jaune, l’arracheur de dents tient fermement la soldate. Sous son bras, une mitraillette qu’elle braque, aveuglée par la peur ou la douleur, sur le témoin de la scène. Lui porte un casque d’acier, au-dessus d’une cigarette allumée qu’il tient dans sa gueule de chien. Il regarde la scène sans broncher. Mieux : le spectacle le fascine et l’exalte tant que son bras glisse du bord de la table – en fait, un tonneau marron. Le couple de soldats ne porte pas de bottes mais des pantoufles. Le tableau est intitulé The Witness (2008).
        Ça promet d’être gai !
Des rôles inversés. Un prisonnier qui torture le tortionnaire. Et pourquoi pas ? C’est plus que possible de nos jours. L’exposition dépasse toutes mes attentes. J’ai mis les pieds dans une galerie des horreurs ! Dans ma poitrine, Le Cœur aventureux (1929) de Ernst Jünger bat la chamade. La grande crise économique mondiale me traverse l’esprit. En flânant dans les rues de la capitale allemande, Jünger était resté en arrêt devant l’étal d’une “boucherie humaine”. Un sortilège malfaisant… Parfait ! Faute de changer notre monde en un tour de passe-passe, nous nous perdrons avec lui. Ce peintre est un magicien.  

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Autour de Roudi

Roudi vit avec nous, ses amies les juments, les chats et les poules quelque part en Auvergne. Parfois Roudi me regarde avec un œil tellement humain qu’il me fait penser à Lucius, le pauvre, qu’on a transformé en âne, L’âne d’or d’Apulée ; vers 125 après JC. Bien que cet âne, le fameux héro du premier roman de l’Antiquité, et Roudi dans son pré, vivent dans deux mondes tout à fait différents, ils ont quand même une chose en commun : Ils observent tous les deux les comportements bizarres si non atroces des êtres humains. Et j’imagine qu’ils ont de temps en temps envie de s échapper, de partir loin . . . Comme cet âne que je pus observer au cours du printemps 2004, alors que je me trouvais à bord d’un porte-conteneur qui me ramenait en Europe, après 20 ans passés au Japon.

Alors que défilait comme en rêve, sous mes yeux, l’Egypte du canal du Suez, j’aperçus us un troupeau d ânes, dont l’un s’échappa pour foncer droit vers le désert. Le frère de Roudi ! Et son propriétaire jurait et fouettait son ânesse, petite sœur de la Modestine de Stevenson, et lui donnait des coups de talons dans le ventre pour la lancer à la poursuite du pauvre fugitif…

Me voici donc maintenant en Europe, mais c est seulement il y a deux ans que je me suis décidé, l’hiver 2008/9, à écrire dans la langue de mon pays d’élection. Qui sait ! Si je ne m’étais pas cassé la cheville devant ma porte cet automne-là, j’aurais peut-être continué à écrire en Allemand. Et à vrai dire, j’ignore encore aujourd‘hui si quelqu’un, dans l’océan de Google, peut s’intéresser à ce que j’ai écrit et continuerai à écrire.