vendredi 11 février 2011

écarte

Je m’appelle Écarte. Et c’est vrai. Je m’appelle Écarte, mais je suis là quand même. Encore là, maintenant. Plus tard Écarte s’écartera. Rien à faire, c’est la vie. Vu d’un peu plus loin, je ne suis déjà plus là. Presque plus là. Avec mes presque 68 ans. Secrètement, tout en cachette, je suis tenté de m’appeler Presque. Monsieur Presque. Écarte Presque. Au lieu Écarte Momber, nom de famille flamand.

Autrefois Monper. Quel malheur ! Quelqu’un qui est son père. Heureusement j’ai ce prénom. J’écarte mon père. S’il lui était là encore, là ici, il nous dirait. ‘C’est pas la peine, ne m’écarte plus. J’ai déjà écarté, il y a trois ans, presque trois ans. Père perdu.


Alors je reste.

Mais, je préfère de ne pas rester. Je préfèrerais rester devant une fenêtre . Quel bonheur ! Regarder d’abord dehors et après dedans. Dehors, c’est terriblement beau. Dedans ? Je ne sais pas. Dedans rien n’est sûr. Ça bouge, ça fuit, ça écarte toujours. C’est angoissant, mais émouvant aussi. Mais, c’est pas vrai ! En réalité, c’est ni angoissant, ni émouvant. C’est plus que tout cela. Plus que ni ni. Plus qu ou ou. C’est la vie tout simplement. Ma vie dedans qui monte et descend. La vie de Monsieur Ni Ni de la vie. Monsieur Moi, qui aime la mer. Qui adore les vagues, les collines bleues de la mer. L’ambivalent. L’ambigu. L’ ambigue comme je dirais. Je, dans les vagues, dans les collines bleues de la vie. Eine Nussschale, comme on dit chez nous, dans le Nord. Comme je dirais. Moi, le nordique de la Mer Baltique. La Nussschale, la coquille de noix, le nobody baltique dans une Nussschale dans la mer de la vie. Qui aime les femmes et les fenêtres. Quoi ? Les femmes aussi. Mais oui, mais oui !


Mais pourquoi ?

C’est simple. Parce qu’avec ces deux-là, avec une femme comme avec une fenêtre, on peut être dedans et dehors. Et en plus, on peut se perdre. On peut perdre la tête, devant une femme comme devant une fenêtre. Oh, oui ! Mieux mieux que ça : perdre la tête dans une femme comme dans une fenêtre. Ah, oui ! Perdre la tête ! Redevenir bête. Béta comme ‘L’idiot’. Comme le plus grand Russe de tous les temps. Ce dernier homme, dernier vrai homme dans sa profondeur vitale. Dans sa vitalité profonde, humainement invivable. Vivable seulement comme idiot. Ou devant une fenêtre. Peut-être vivable avec une femme devant une fenêtre. L’amour humain. Alpha, Béta, Omega.


Mais ! Il faut le dire. C’est marrant ! C’est triste et pas triste, d’être idiot. Triste comme la mer sans vague. Comme idiot, je suis libre. Libre d’être idiot ou pas. C’est ça, la vraie liberté aujourd’hui. Où tout le monde se veut tellement libre : Libre ! Libre ! Ce désir idiot, sauf quand on l’est. L’idiot ! Libre de la vie vulgaire. Libre de s’envoler. Libre d’être oiseaux. Frei wie die Vögel ! Dit on chez nous. Vogelfrei ! Hors la loi ! L’enfant ! Ces mots, les plus forts de mon enfance : Vögeln ! Ficken ! Quels mots magiques en dehors de tout lexique. Vögeln, faire comme les oiseaux. Ficken, faire sans savoir, sans sens. Faire le vide. Mot de l’énigme humain. Mot de la création de l’être humain. Création et recréation. Toujours, tous les jours quand on est jeune, plus tous les jours quand on a presque 68 ans. Se perdre, écarter, voler. Vögeln. Piano. Piano. Concert de Mozart 21, 22, 23. Être deux et un à la fois. Ou deux pour deux. Ou deux pour devenir trois.

Hors la loi.

M’écarte moi de moi.

Toi !

C’est cela, être là. Être ici.

Là ! Là ! Là !

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Autour de Roudi

Roudi vit avec nous, ses amies les juments, les chats et les poules quelque part en Auvergne. Parfois Roudi me regarde avec un œil tellement humain qu’il me fait penser à Lucius, le pauvre, qu’on a transformé en âne, L’âne d’or d’Apulée ; vers 125 après JC. Bien que cet âne, le fameux héro du premier roman de l’Antiquité, et Roudi dans son pré, vivent dans deux mondes tout à fait différents, ils ont quand même une chose en commun : Ils observent tous les deux les comportements bizarres si non atroces des êtres humains. Et j’imagine qu’ils ont de temps en temps envie de s échapper, de partir loin . . . Comme cet âne que je pus observer au cours du printemps 2004, alors que je me trouvais à bord d’un porte-conteneur qui me ramenait en Europe, après 20 ans passés au Japon.

Alors que défilait comme en rêve, sous mes yeux, l’Egypte du canal du Suez, j’aperçus us un troupeau d ânes, dont l’un s’échappa pour foncer droit vers le désert. Le frère de Roudi ! Et son propriétaire jurait et fouettait son ânesse, petite sœur de la Modestine de Stevenson, et lui donnait des coups de talons dans le ventre pour la lancer à la poursuite du pauvre fugitif…

Me voici donc maintenant en Europe, mais c est seulement il y a deux ans que je me suis décidé, l’hiver 2008/9, à écrire dans la langue de mon pays d’élection. Qui sait ! Si je ne m’étais pas cassé la cheville devant ma porte cet automne-là, j’aurais peut-être continué à écrire en Allemand. Et à vrai dire, j’ignore encore aujourd‘hui si quelqu’un, dans l’océan de Google, peut s’intéresser à ce que j’ai écrit et continuerai à écrire.